Béliers

Vous ne connaissez sans doute pas encore monsieur Grimur Hàkonarson, mais cela ne sau- rait tarder. C’est le réalisateur de ce surprenant film qui nous vient du froid, lauréat du Prix Un Certain Regard à Cannes, évidemment sans rapport aucun avec la comédie à succès de l’an dernier. Non, le film Béliers (avec un « s »), s’intéresse de près à l’animal mais aussi et surtout aux éleveurs. Bienvenue donc au fin fond de l’Islande, dans une vallée perdue, où les éleveurs de béliers rivalisent d’attention pour leurs bêtes. Dénuement, solitude mais également at- tachement farouche à un mode de vie, à une relation exclusive, viscérale avec l’animal. La haine ancestrale entre deux frères éleveurs et voisins doublés de la propagation d’une maladie virale va transformer ce qui aurait pu n’être qu’un énième conte écologique en une tragédie aussi inattendue que puissante. Le spectateur est transporté dans cette Islande au charme sauvage, attrapé par des personnages hirsutes et misanthropes mais de fait, profondément attachants. Le film n’est pas sans rappeler l’épisode de la « vache folle » en France, avec les séries d’abattage qui s’ensuivirent. Le réalisateur nous place du côté des éleveurs qui vivent comme un véritable viol l’arrivée et l’intrusion des services d’hygiène dans leur quotidien le plus fruste. L’entrechoquement de deux univers, de deux conceptions de la vie. Mais à l’instar de David Lynch dans Une Histoire vraie, Grimur Hàkonarson réussit à dépeindre avec force des liens fraternels aussi pervertis que tenaces. Vous n’êtes pas prêt d’oublier la scène finale : un vrai cadeau de Noël ! ⎥François Aymé