Cervantes avant Don Quichotte

Avec Almodovar, Sorogoyen, Iciar Bollain et quelques autres, Amenábar fait partie des figures du cinéma espagnol, dont on attend le nouvel opus avec impatience. Avec Agora ou Lettres à Franco, il a démontré toute sa capacité à mener à bien des superproductions ambitieuses tant sur le plan historique qu’artistique. Avec Cervantès avant Don Quichotte, il confirme tout son talent et même son audace en s’attaquant au destin du génie emblématique de la littérature hispanique. Comme l’annonce le titre, ceux qui espéraient que le cinéma propose enfin une adaptation du Don Quichotte en seront pour leurs frais, Amenábar a choisi de se concentrer sur les rocambolesques années de captivité de Cervantès à Alger. Le film d’histoire prend alors des allures assez séduisantes de film d’aventures doublées d’un bel hommage à l’art de conter.
Dans le droit fil des Mille et une nuits, Cervantès cherche à adoucir ses années d’emprisonnement et peut-être même à trouver son salut dans sa capacité à inventer des récits plus passionnants ou fantaisistes les uns que les autres, réussissant ainsi à entrer dans l’intimité du sultan et même à gagner sa confiance. On le voit, à partir d’une trame historique authentique, le cinéaste prend quelques libertés et célèbre les vertus du conte et de l’imagination. Il en profite pour confronter deux cultures qui savent jongler avec l’hypocrisie et la solidarité, ou bien avec la cruauté et la bienveillance. Une invitation à découvrir le père de Don Quichotte, tout aussi passionnant et fantasque que son personnage. – François Aymé