Après Senses (2015) et Asakao I & II (2018), le jeune prodige nippon Ryûsuke Hamaguchi poursuit avec brio son exploration de la psyché humaine à travers un road movie spleenétique d’une grâce sans pareille. Drive my car, récompensé à Cannes par le prix du meilleur scénario, raconte la trajectoire de deux êtres blessés qui se reconstruisent en prenant la route, et la parole. Yusuke, homme de théâtre, monte une version polyglotte d’Oncle Vania avec une troupe de comédiens à qui il demande de s’approprier leurs rôles en lisant à voix haute le texte de Tchekhov. En dehors des répétitions, son mal être le fait sombrer dans le mutisme et l’effacement. C’est au contact d’une jeune conductrice secrète, Misaki, que Ysusuke parvient finalement à se livrer, l’un et l’autre remettant dès lors en mouvement leurs rouages intérieurs. Adapté d’une courte nouvelle éponyme de Haruki Murakami, ce récit initial est étoffé par d’autres histoires passées et présentes qui se structurent par le jaillissement des mots, interrogent les liens entre la vie et l’art et composent une fresque émouvante sur la solitude, la perte et le mystère insondable des êtres. La mise en scène, élégante et fluide, fait quant à elle passer les trois heures du métrage aussi vite qu’un songe dont on peinerait à sortir si la dernière tirade de la pièce de Tchekhov ne venait nous éveiller et nous rappeler que, quelque soient nos états d’âme, « il faut vivre ! ». ⎥ Noémie Bourdiol

DRIVE MY CAR
Réalisateur(s) : Ryusuke Hamaguchi
Acteur(s) : Hidetoshi Nishijima, Toko Miura, Masaki Okada
Genre(s) : Drame
Origine : Japon
Durée : 2h50
Synopsis : Alors qu'il n'arrive toujours pas à se remettre d'un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu'on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.