De Fernando León de Aranoa on avait aimé en 2016 A Perfect Day, sur un groupe d’humanitaires en mission dans une zone en guerre, drame à l’intérieur d’une comédie humaniste, road-movie à l’intérieur d’un film de guerre. Déjà, en 2003, son troisième long métrage Les Lundis au soleil, sur un groupe de chômeurs, avait obtenu cinq Goyas (Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur notamment pour Javier Bardem), ce qui lui avait permis de se faire connaître mondialement. Il revient en 2022, auréolé de nouveaux Goyas (Meilleur film, Meilleur scénario, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur pour Javier Bardem) pour El buen patrón, une comédie noire qui n’est pas sans évoquer les farces grinçantes de la vie en province de Luis Berlanga (Bienvenue Mr Marshall, Le Bour- reau). Un ex-employé viré qui proteste bruyamment et campe devant l’usine… Un contremaître qui met en danger la production parce que sa femme le trompe… Une stagiaire irrésistible… Voilà qui, durant une longue semaine, va mettre à rude épreuve ce patron d’une moyenne entreprise, vite débordé par les événements. Les films de Stéphane Brizé (La Loi du marché, En guerre et récemment Un autre monde) dénonçaient vigoureusement le fonctionnement d’un capitalisme moderne, mondialisé, inhumain. Rien de tel ici avec le retour au paternalisme d’un capitalisme du XIXe siècle : pas question de salaires scandaleux ni de primes et retraites chapeau. Le patron connaît la vie de ses employés, les salue tous les matins et les exhorte affectueusement à se surpasser pour mériter le prix de l’excellence qu’une commission doit remettre à l’entreprise la plus performante. Tout semblerait aller pour le mieux si, dès le début du film, on ne pressentait à de petits détails l’ironie du titre. Car il y a loin des discours aux actes ! Sous son apparente bienveillance, ce moderne patron d’une PME à la pointe de la technologie va se révéler d’une férocité redoutable. Armé de sa bonne conscience, drapé dans une image figée de lui et des autres, il exerce une exploitation doucereuse de son personnel, aux antipodes de l’humanité tourmentée de Vincent Lindon. Surfant sur des sujets d’actualité graves (le harcèlement, la corruption, le licenciement…), le réalisateur nous fait plonger, avec humour mais sans tomber dans la parodie, dans un engrenage de péripéties inéluctable et surprenant. Ce qui devrait nous désespérer nous fait au contraire souvent rire aux éclats. Javier Bardem, méconnaissable, est irrésistible dans ce rôle d’homme puissant, manipulateur, complexe, s’efforçant de remédier aux catastrophes qui s’enchaînent. Les autres acteurs sont aussi magnifiques, avec une mention à la jeune Almuneda Amor dont les motivations restent longtemps ambiguës. ⎥ MICHÈLE HÉDIN

EL BUEN PATRÓN
Réalisateur(s) : Fernando León de Aranoa
Acteur(s) : Manolo Solo, Javier Bardem, Almudena Amor
Genre(s) : Comédie
Origine : Espagne
Durée : 2h0
Synopsis : Un ex-employé viré qui proteste bruyamment et campe devant l’usine…
Un contremaître qui met en danger la production parce que sa femme le trompe…
Une stagiaire irrésistible…
A la veille de recevoir un prix censé honorer son entreprise, Juan Blanco, héritier de l’ancestrale fabrique familiale de balances, doit d’urgence sauver la boîte.
Il s’y attelle, à sa manière, paternaliste et autoritaire : en bon patron ?