Les milliers de spectateurs de Cannes sont unanimes sur un point : la scène qui les a le plus bouleversés au dernier festival est un plan de quelques secondes au début de Faute d’amour, qui montre un garçon écoutant, à leur insu, ses parents se disputer. Comme la vie en société, la vie au cinéma fourmille de conventions acceptées tacitement par tous : professionnels et spectateurs. Parmi les conventions que l’on ne brise pas facilement : les parents aiment leur enfant et si un enfant souffre, il y a forcément une résolution à cette souffrance. Andreï Zviaguintsev non seulement casse ces deux tabous mais il en fait le sujet de son film. Avec une maîtrise et une rigueur implacables, il dresse un réquisitoire contre une société moderne individualiste, égoïste, matérialiste, obsédée par les outils numériques, constat aggravé en Russie par les défaillances des services publics, le retour à un ordre moral conservateur y compris dans l’entreprise. Dans cette société où surnagent des réseaux associatifs de solidarité qui tentent de colmater les brèches, les enfants, faibles par définition, peuvent être des victimes toutes désignées. À défaut d’atteindre une grande notoriété, Andrei Zviaguintsev, en seulement cinq titres (Elena, Léviathan, Le Bannissement, Le Retour), s’impose déjà comme un maître du cinéma humaniste. Il se double ici d’un lanceur d’alerte sociétal dont la lucidité égale l’art de montrer. Indispensable. ⎥ François Aymé
FAUTE D’AMOUR
Réalisateur(s) : Andrey Zvyagintsev
Acteur(s) : Maryana Spivak, Alexey Rozin, Matvey Novikov
Genre(s) : Drame
Origine : Russie, France, Belgique, Allemagne
Durée : 2h8
Synopsis : Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu'à ce qu'il disparaisse.