Franz K.

La cinéaste polonaise Agnieszka Holland a voué une admiration à Franz Kafka tout au long de sa vie (« Quand j’étais jeune, je m’identifiais un peu à Ottla, sa plus jeune sœur, qui l’admirait et le protégeait. »). Cette fervente accointance transpire dans ce biopic très atypique qui désarçonne avant que de fasciner pour peu qu’on le laisse agir (le comédien Idan Weiss n’est pas pour rien dans cette fascination !). Le portrait est kaléidoscopique et fait montre d’un parti-pris osé, « déterminé par l’écriture de Kafka » (précise la cinéaste) et qui s’incarne par un récit non linéaire. Agnieszka Holland revendique une approche très subjective d’un artiste immense dont elle considère la perception comme « neuro-atypique » – à l’aune des connaissances psychiatriques actuelles. Sa mise en scène s’affranchie des passages obligés du biopic, leur préférant une perception fragmentée avec une multiplicité des points de vue. Les séquences marquantes s’égrènent, chacune éclairant la personnalité complexe de l’écrivain : son attachement essentiel à la précision des mots, son rapport aux femmes et à sa famille – avec cette figure paternelle physiquement inchangée quelles que soient les époques… Holland s’amuse au passage de la réification touristique de l’artiste devenu une manne à l’échelle d’un pays. Surtout, même si son film laisse volontairement en suspens bien des questions et des perceptions, il suscite – réussite ultime – une envie dévorante de (re)lire Kafka. – Nicolas Milesi