Gagnant du grand prix à Sundance, ce premier long métrage d’une Américaine de 43 ans débarque en France auréolé d’une citation élogieuse, et trompeuse, signée Quentin Tarantino. D’après le président du jury 2008 du célèbre festival de l’Utah, Frozen River serait « le thriller le plus excitant de l’année ». La formule passe-partout, en bonne place sur l’affiche, laisse présager un polar à la Fargo. Fausse route : l’action se déroule bien dans un village-frigo à la frontière entre les Etats-Unis et le Québec, en territoire mohawk, mais les « gangsters » sont deux braves mères célibataires créchant dans des mobil-homes décrépits.
On est objectivement plus près de Ken Loach que des frères Coen. Pour épargner à ses deux gamins un énième dîner Tang-popcorn et finir de payer leur nouvelle maison en kit, Ray fait équipe avec une jeune Mohawk pour faire passer la frontière en douce à des étrangers dans le coffre de sa Dodge Spirit (le modèle a son importance), de nuit, sur le fleuve Saint-Laurent gelé. Porté par un émouvant duo d’actrices aux corps fatigués de mélancolie (Melissa Leo et Misty Upham), ce drame social jamais misérabiliste rappelle avec acuité que le Mexique n’a pas le monopole de l’immigration clandestine. Certainement pas le thriller le plus excitant de l’année, donc, mais peut-être le film « indé » de l’hiver.