La Chambre de Mariana

Après le drame historique et spirituel que constituait sa bouleversante adaptation du livre de Marguerite Duras (La Douleur, en 2018), Emmanuel Finkiel adapte ici Aharon Appelfeld, achevant une sorte de trilogie protéiforme autour de la Shoah, dont le premier opus serait Voyages (1999). Avec La Chambre de Mariana, le récit tient de la fable (un enfant caché dans un placard des années durant par une prostituée solaire) et la mise en forme que Finkiel en propose est puissamment cinématographique. « Appelfeld a mis en place un dispositif génial qui permet de tout découvrir à partir de la privation d’un sens : la vue ! Pour un film c’est un point de départ sublime » explique-t-il. Cultivant la même économie formelle que dans La Douleur, son film évite la plate reconstitution en s’architecturant de cadrages contraints et de profondeurs de champs savamment dosées, laissant évaluer notre perception de la réalité dans les pas du jeune Hugo, avec une dramaturgie grandissante. Si le jeune Artem Kyryk (six mois de casting) fait montre d’une belle intensité, face à lui, dans le rôle de Mariana, Mélanie Thierry est littéralement époustouflante. Qualifiée à juste titre de « virtuose » par le cinéaste, elle livre une partition en ukrainien pour mieux donner vie à la vérité de son personnage. Mariana est une femme suffisamment généreuse pour insuffler la vie au détriment de la mort partout promise. Une héroïne inoubliable. – Nicolas Milesi