La Mer au loin

La mer au loin, c’est celle que Nour a traversé pour trouver une vie meilleure dans la cité phocéenne. Mais c’est aussi un sentiment, celui d’un manque et d’une barrière qui se dresse au fil des années d’exil entre ses racines et sa terre d’accueil. Dans ce second long-métrage, Saïd Hamich reconstitue en effet, sous la forme d’une fresque naturaliste, le sentiment de l’exil vécu par un jeune marocain arrivé à Marseille au début des années 1990. Le miroitement aveuglant des flots qui entourent le personnage en ouverture du film s’apparentent ainsi à un sort, une mélancolie lancinante avec laquelle Nour devra apprendre à vivre peu à peu. Tel un héros Flaubertien – le réalisateur cite volontiers L’Éducation sentimentale comme référence – celui-ci traverse les années comme autant d’étapes qui participent à sa construction sentimentale et morale. Aux côtés d’amis algériens, il apprendra la débrouille et la sagesse, auprès d’un couple français il prendra goût à la liberté et à l’amour… et en revenant auprès des siens, il prendra conscience de sa trajectoire comme d’un irrémédiable déracinement. Mais, au-delà du romanesque, La Mer au loin puise aussi son charme dans la façon dont il peint, par petites touches, une époque moins normative et cloisonnée, et des territoires oubliés : ceux d’un monde marginal, nocturne, festif où le Raï – cette musique algérienne mêlant joie et tristesse – connaissait son âge d’or et faisait danser tout un chacun. Dans une délicate alchimie, Saïd Hamich parvient ainsi à entrecroiser l’histoire d’un personnage et d’une décennie, et à faire se rencontrer acteurs confirmés (Grégoire Colin et Anna Mouglalis, mémorables) et jeunes talents prometteurs (Ayoub Gretaa, Rym Foglia, Sarah Henochsberg) pour composer un récit ample et bouleversant, naviguant entre le mélodrame et le réalisme-poétique. – Noémie Bourdiol