Si les premières scènes du film peuvent déconcerter le spectateur par le parti-pris formel de distanciation adopté par le réalisateur, il faut accepter de se laisser porter par la beauté des images et par la musicalité de la langue, sans vouloir tout comprendre au premier abord. Chez Eugène Green, pas de naturalisme : les personnages parlent face caméra, côte à côte, sans se regarder, avec une diction parfaite qui fait un sort à chaque liaison, dans un jeu neutre, dénué d’affect. Passé ce premier moment surprenant, on se laisse happer par l’originalité du sujet et du traitement qui en est fait. La réflexion sur l’art baroque est intimement mêlée à l’itinéraire psychologique de ce couple en perte de repères et d’amour, et la rencontre avec les deux jeunes gens – reflet de leur passé ? – va servir de catalyseur. Comment s’appuyer sur le passé pour se ressourcer et retrouver cette sapience, cette sagesse qui s’incarne dans le projet architectural extraordinaire de l’église Sant’ivo alla Sapienza de Rome ? Comment s’ouvrir à la lumière, réellement et métaphoriquement ? Qui seront, in fine, les mentors et les élèves ? Eugène Green entremêle les deux trames narratives, entrelace divers motifs qui reviennent à un rythme régulier, en un film vertigineusement architectural, pour nous faire ressentir l’invisible, derrière la surface des choses. Mais n’est-ce pas là le rôle de l’art ? La Sapienza est un film rare, d’un réalisateur trop peu connu. Ne manquez pas cette rencontre ! – M. HÉDIN

La sapienza
Réalisateur(s) : EUGENE GREEN
Acteur(s) : Fabrizio Rongione, Christelle Prot, Ludovico Succio…
Genre(s) : un Voyage en Italie entre architecture et sentiments
Origine : France/Italie
Durée : 1h44
Synopsis : Alexandre, brillant architecte en proie à des doutes, part en Italie avec sa femme. Sur les rives du Lac Majeur, ils rencontrent un jeune homme et sa sœur, qui donneront un tout autre tour à cette échappée italienne.