Elle n’a pas la notoriété d’un Almodóvar ou d’Alejandro Amenábar. Et pourtant, depuis maintenant 25 ans, Icíar Bollaín construit une œuvre tout à fait remarquable, cohérente, avec des scénarios et des interprétations à chaque fois irréprochables, sur des thématiques sociales, féministes et politiques en prise directe avec l’Histoire ou l’actualité. On se souvient en particulier de Même la pluie avec Gael Garcia Bernal (excellente mise en abyme historique sur les méfaits du colonialisme et du libéralisme à tous crins) et de Ne dis rien, impressionnante dénonciation des violences conjugales, tournée en 2003, soit bien avant la vague récente de films sur le sujet des violences sexuelles et du harcèlement.
L’Affaire Nevenka s’inscrit dans le prolongement de Ne dis rien puisqu’il s’agit de revenir sur le premier procès historique mené contre un personnalité politique espagnole pour harcèlement sexuel. C’était près de 20 ans avant l’affaire Weinstein et #MeToo, l’Espagne était déjà pionnière dans sa capacité à dénoncer et à réagir, même si cela fut douloureux et laborieux (Nevenka Fernandez ayant été obligée de s’expatrier à l’issue du procès). On retrouve dans ce procès politique tous les ingrédients connus de l’abus de pouvoir par un homme considéré, par les médias et la population, comme charismatique et populaire (et donc intouchable). Tout l’intérêt du film d’Icíar Bollaín vient de son scénario très documenté qui démonte les mécanismes entremêlés de séduction et d’influence, de manipulation et de pression dans un univers professionnel où la frontière avec l’intime est sans cesse battue en brèche. L’actrice Mireia Oriol propose une interprétation aussi poignante que nuancée. Une nouvelle démonstration de la capacité du cinéma espagnol à nous offrir des drames réalistes de premier plan. – François Aymé