On serait tenté de qualifier ce film de chef-d’oeuvre, si cette notion galvaudée ne renvoyait pas aussi souvent à l’art officiel. Officiel, le film se refuse à l’être, malgré son poids historique. Ancien résistant gaulliste, Melville l’a porté en lui vingt-cinq ans durant et n’a pu le réaliser qu’à la fin de sa carrière. C’est un regard démystifiant et grave à la fois qu’il porte sur la Résistance et ses hommes de l’ombre. Il montre un quotidien soumis à une tension permanente, où chacun doit se cacher, attendre, guetter, fuir, et parler le moins possible. Cette forme extrême d’engagement tend au cauchemar dépouillé. Elle exige de se salir les mains (l’exécution des traîtres) et surtout de se battre avec soi-même, ses doutes, sa lâcheté et sa peur.
Filmant ces combattants clandestins comme des fantômes, des morts en sursis, Melville loue leur courage et leur abnégation sans céder à l’imagerie héroïque. L’Armée des ombres est une épure funèbre et hypnotique dans laquelle les hommes et les femmes, bien que liés par des convictions très fortes, sont immanquablement seuls. Au bout du compte, c’est par le biais de cette solitude mélancolique que ces silhouettes souveraines rejoignent le mythe. ⎥ Jacques Morice
L’ARMÉE DES OMBRES
Réalisateur(s) : Jean-Pierre Melville
Acteur(s) : Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Crauchet
Genre(s) : Drame
Origine : France
Durée : 2h20
Synopsis : France 1942. Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées est également l'un des chefs de la Résistance. Dénoncé et capturé, il est incarcéré dans un camp de prisonniers. Alors qu'il prépare son évasion, il est récupéré par la Gestapo...