Figure centrale du théâtre chinois d’avant-garde, le réalisateur Diao Yinan avait marqué les esprits en 2014 en remportant l’Ours d’or à Berlin avec le très sombre Black Coal. Plus « polar » que thriller, Le Lac aux oies sauvages s’inscrit aussi dans cette Chine des confins, celle des périphéries urbaines vastes, labyrinthiques, comme rongées par l’anarchie de l’industrialisation. C’est dans ce monde des marginaux et de la pègre organisée que Diao Yinan ouvre son récit en une séquence au découpage ensorcelant : celle de la rencontre dans une gare de banlieue entre le gangster Zenong et la prostituée Aiai. Dès lors, la virtuosité de la mise en scène accompagnera tout du long un récit dont les flashbacks n’entachent pas la limpidité. Mouvements de caméra parfois amples ou parfois subreptices, détails entêtants et couleurs acidulées se conjuguent pour faire du Lac aux oies sauvages un univers à la fois inquiétant et cinématographiquement magnifique. « Je voulais que le film soit très moderne, non-psychologique, et que l’idée s’incarne avant tout par le geste et le mouvement » explicite le cinéaste. La beauté étrange et graphique du film laisse advenir cette autre élégance – ô combien chevaleresque et qui ne sera pas dévoilée ici – de Zenong, traqué par la police et sans illusion sur sa propre destinée. Non dénué de sarcasme quant à la société chinoise, Le Lac aux oies sauvages en constitue pour autant un regard aussi confiant que tourmenté. Le charme de ce geste cinématographique vaut singulièrement le détour. ⎥ Nicolas Milesi

LE LAC AUX OIES SAUVAGES
Réalisateur(s) : Diao Yinan
Acteur(s) : Hu Ge, Gwei Lun Mei, Liao Fan
Genre(s) : Drame
Origine : Chine
Durée : 1h50
Synopsis : Un chef de gang en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d’une chasse à l’homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin.