Qui a voulu que les choses se passent comme ça ? C’est sans doute une question que l’on pourra se poser dans quelques années à propos de l’état de la forêt française, devenue mono-essence dans sa majorité avec, sans doute, quelques îlots de forêt sauvage. Le problème est posé dans les premières minutes du film : en France, pas de déforestation, mais plutôt une « mal-forestation ». Une logique productiviste insensée qui conçoit la forêt comme une exploitation agricole moderne, dans le but unique d’en tirer des profits optimisés, pour quelques-uns. On découvre ainsi une logique du pire, qui pousse des forestiers (pas tous), à abattre les arbres en masse pour rembourser les emprunts liés à l’achat des machines, à détruire les substras, à pratiquer la mono-essence d’arbres sur les parcelles, à utiliser les pesticides et les engrais… C’est donc un documentaire très clair, aux questions discrètes, qui dresse un panorama complet de l’état de la silviculture d’aujourd’hui, sous tous ses aspects, à travers 4 régions forestières françaises, Le Morvan, Les Vosges, les Landes et le Limousin. Les images sont tour à tour, magnifiques, poétiques ou monstrueuses, notamment les machines qui transforment en un clin d’œil un arbre vivant en produit vendable. « Le temps de forêts » est un film utile, bien sûr, sans catastrophisme exagéré, mais aussi un vrai film de cinéma, qui sait laisser leur place aux images, aux personnages et au spectateur, et qui vous fera voir la forêt, sauvage ou industrielle, d’un autre œil quand vous croiserez ses chemins.
Jean Le Maître