Les Fantômes

Les Fantômes

Les Fantômes

Réalisateur(s) : Jonathan Millet
Acteur(s) : Adam Bessa, Tawfeek Barhom, Julia Franz Richter
Genre(s) : Drame
Origine : France
Durée : 1h46
Synopsis : Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau. Inspiré de faits réels.

Jonathan Millet est-il le cinéaste des limbes ? Familier des confins géographiques qu’il a filmés des années durant dans une cinquantaine de pays, il est l’auteur de documentaires remarqués (Ceuta, douce prison, 2012) et de courts métrages prometteurs (dont La Veillée, qu’il avait accompagné au Jean-Eustache en 2018). Réalisé avec ses fidèles producteurs (les talentueux Films Grand Huit), Les Fantômes est son premier long de fiction (sélectionné à la Semaine de la critique). Des limbes, il semble être question dès l’ouverture de cette histoire inscrite dans les pas d’Hamid, incarné par le très magnétique Adam Bessa. Abandonné avec d’autres dans un désert implacable, il survit sur les routes de l’exil jusque dans l’Est de la France, à la recherche de celui qui le tortura dans les geôles syriennes. Sorte de film d’espionnage soucieux de raconter le poids avec lequel voyagent les exilés comme Hamid, Les Fantômes se déroule en 2015 et fait montre d’une mise en scène sensorielle, traduisant tout le douloureux bouillonnement intérieur qui assaille Hamid dans sa quête. À côté de la captation de sensibles révélations – le travail sur le son, en particulier, est exceptionnel – le film préserve des hors-champs visuels et sonores d’une grande pertinence pour sous-entendre le secret de l’enquête (« On ne sait jamais qui commande, qui est avec qui. ») ou l’insoutenable horreur qu’elle recouvre. Quant aux images de jeu vidéo en streaming, si elles constituent le lieu où les enquêteurs échangent à l’abri des algorithmes du web, elles évoquent en passant la vision très conceptuelle d’un conflit lointain, dans l’espace et dans le temps, pour les occidentaux que nous sommes. Les conversations téléphoniques et les enregistrements de témoignages clandestins montés en voix off sur des scènes de rue instillent la sensation d’un réel à double-fond, dans lequel les fantômes ne sont pas forcément les disparus mais aussi celles et ceux qui errent à la recherche d’une vérité qui leur échappe.
Film émouvant, puissamment préoccupé par la lutte contre l’invisibilisation des bourreaux (une lutte toujours d’actualité), Les Fantômes est animé d’une empathie souterraine et inoubliable, pour ces survivants forcés de couper avec une vie antérieure brutalement amputée, pour ces individus douloureusement conscients que « c’est difficile de faire un deuil quand la disparition n’est pas incarnée ». ⎥ Nicolas Milesi

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