Dans ce film captivant de bout en bout, l’auteur de L’Économie du couple (2016) continue d’interroger la capacité et les limites de l’engagement amoureux, en s’appuyant sur trois comédiens magnifiques, Les Intranquilles est un titre au pluriel tant il est vrai que l’anxiété dans laquelle se débat Damien, un peintre maniaco-dépressif, contamine ses plus proches jusqu’au vertige. (Les masques anti-Covid19 qui s’invitent sur les visages des protagonistes dans certaines séquences participent moins à un réalisme anecdotique qu’à insuffler cette idée d’un empoisonnement difficile à endiguer.) Cinquième collaboration du réalisateur avec son directeur de la photographie Jean-François Hensgens, Les Intranquilles est un récit littéralement attelé à ses personnages auxquels Damien Bonnard et Leïla Bekhti se livrent corps et âme, admirablement – même leurs prénoms s’invitent dans la fiction de ceux qu’ils incarnent. Face à la présence imposante de ces deux comédiens aguerris, la crédibilité du tout jeune Gabriel Merz Chammah (le petit-fils d’Isabelle Huppert) est troublante de naturel. En demeurant dans le huis clos bucolique de cette famille aspirant visiblement à la tranquillité, le film fait le pari (gagnant) d’immerger le spectateur dans un quotidien émaillé de troublants comportements – et ce, dès la première séquence, déconcertante, dans laquelle Damien demande à son fils de 8 ans, en pleine mer, de ramener le bateau à moteur à bon port avant que de plonger pour rentrer à la nage. Loin de la platitude du « film à thème » qui traiterait de la bipolarité (le mot n’est prononcé qu’à la presque fin du film), Les Intranquilles délaisse au hors-champs le personnage du médecin et son environnement. Les préoccupations de Joachim Lafosse sont plus vastes. Certes, il s’attache à donner à voir l’arythmie dans laquelle le personnage de Damien se débat, entre un appétit démesuré d’entreprendre et une mélancolie terrassante ; mais on devient finalement émus et compatissants : cet homme est épris d’une exigence tous azimuts, à la fois inatteignable et douloureuse, tandis que sa pratique artistique de la peinture en constitue un pendant sublime, plus ample qu’un diagnostic aussi exact soit-il. ⎥ Nicolas Milesi
LES INTRANQUILLES
Réalisateur(s) : Joachim Lafosse
Acteur(s) : Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah
Genre(s) : Drame
Origine : France
Durée : 1h58
Synopsis : Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa bipolarité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.