Chaque fois qu’Ernest Hemingway reçoit des invités dans sa propriété de Cuba, il leur projette Les Tueurs. Chaque fois, il s’endort après la première bobine, la seule qui l’intéresse vraiment, puisqu’elle reproduit fidèlement une nouvelle extraite de son recueil Cinquante Mille Dollars. La suite, dans le film, sort de l’imagination de John Huston et de Richard Brooks, non crédités au générique. Tous deux se laissent influencer par un certain Mark Hellinger, producteur des Tueurs, mais surtout journaliste réputé pour ses articles sur les gangsters new-yorkais. Mark Hellinger rêve d’un film coup de poing dont les dialogues seraient aussi dévastateurs que des rafales de mitraillette.
Robert Siodmak peaufine l’image et dynamite les clichés : ici, le noir symbolise la vie, alors que la lumière est source d’angoisse. Le cinéaste prend garde de ne pas brutaliser ses deux diamants bruts, bientôt stars : Burt Lancaster et Ava Gardner. Au premier, acrobate explosif, il enseigne le jeu intérieur. A la seconde, figurante éblouissante, il apprend à révéler sa vraie nature. Son fameux « Touche-moi, et demain tu es un homme mort » semble annoncer sa carrière de femme fatale… — Marine Landrot