« Nous voilà devenus l’oubli que nous serons… » Quelques mots d’un sonnet de Jose Luis Borges retranscrit par Héctor Abad Gomez, médecin colombien renommé, humaniste et militant des droits de l’Homme dans les années 1980. Près de vingt ans plus tard, son fils, Héctor Abad Faciolince, publie L’oubli que nous serons (El Olvido que seremos), un récit autobiographique et intime tel un éloge à son père tant aimé. Fernando Trueba (réalisateur espagnol aux multiples récompenses dont l’Oscar du Meilleur film étranger en 1993 pour Belle Époque) nous offre enfin une adaptation cinématographique toute en délicatesse de ce chef d’œuvre contemporain, l’un des plus lus de la littérature hispanique. L’Oubli que nous serons est un hymne à la famille et à l’humanité face à la violence et à l’ignorance. Les guérillas font rage depuis une décennie en Colombie. La ville de Medellín est devenue le centre opérationnel du cartel mené par le baron de la drogue Pablo Escobar. Gangrénée par la violence des narcotrafiquants, la corruption des politiques, la ville est également affectée par de grandes disparités sociales et de nombreux habitants subissent la pauvreté et la misère. Pour autant, ce n’est pas ce que l’on retient de ce récit brillamment mis en scène par le réalisateur. Au gré d’allers-retours entre le noir et blanc et la couleur, chaque époque du récit est marquée par une ambiance, une musique et une esthétique particulière, propices aux émotions. Tour à tour, le spectateur est chaleureusement accueilli dans le petit paradis familial du petit Héctor et de son papa, le docteur Gomez (merveilleusement interprété par Javier Cámara – Parle avec elle, Narcos) où la lumière irradie les visages, la maison et le jardin, avant d’être bouleversé par des événements dramatiques. Dès lors, les quelques mots du sonnet de Borges prennent sens et l’on prend conscience de ce que l’on n’oubliera pas : la formidable histoire d’amour entre un fils et son père ; le sourire et la vitalité de ce père dévoué, son autorité naturelle et bienveillante, l’éducation basée sur la tolérance, le savoir et l’amour qu’il donne à ses six enfants, et enfin, son engagement, plein et déterminé auprès des siens et auprès des autres, dans les causes sociales et politiques. ⎥ Julia Pereira

L’OUBLI QUE NOUS SERONS
Réalisateur(s) : Fernando Trueba
Acteur(s) : Javier Cámara, Nicolas Reyes, Juan Pablo Urrego
Genre(s) : Drame
Origine : Colombie
Durée : 2h16
Synopsis : Colombie, années 1980. Le docteur Hector Abad Gomez lutte pour sortir les habitants de Medellin de la misère. Malgré les menaces qui pèsent sur lui, il refuse d’être réduit au silence. Le destin de ce médecin engagé et père de famille dévoué se dessine à travers le regard doux et admiratif de son fils. Adapté de faits réels, L’OUBLI QUE NOUS SERONS est à la fois le portrait d’un homme exceptionnel, une chronique familiale et l’histoire d’un pays souvent marqué par la violence.