Météors

On se souvient bien de Petit Paysan qui avait fait forte impression en 2017 auprès du public et à la Semaine de la critique à Cannes. Le premier film de fiction d’Hubert Charuel a révélé Swann Arlaud et Sara Giraudeau et a remporté trois César (dont celui de Meilleur premier film). Après cette première fiction, le réalisateur, formé à la Fémis, retourne dans la ferme de ses parents pour son documentaire intime et familial, Les vaches n’auront plus de nom (2020), un témoignage sur l’avenir des petits agriculteurs. Huit ans après sa première fiction (ça valait le coup d’attendre), Hubert Charuel retrouve le Festival de Cannes et confirme son talent avec son nouveau film, Météors, coécrit avec sa complice scénariste Claude Le Pape. Il quitte cette fois-ci le monde paysan pour dépeindre l’histoire d’amitié fusionnelle de trois copains bloqués dans la ville d’enfance du réalisateur, Saint-Dizier. Ici, le territoire joue un rôle crucial car les jeunes personnages enchaînent les mauvais plans et les petits boulots. L’un d’eux consiste à travailler dans les traitements des déchets nucléaires, une activité courante en Haute-Marne. Charuel confie qu’il y a deux grands aspects dans Météors : « des gens et un territoire qui s’intoxiquent pour survivre. » Les décors des poubelles nucléaires participent au récit avec ces chantiers labyrinthiques et ces tunnels souterrain, métaphores de l’enfermement des personnages. À travers l’errance de deux amis à rêver plus grand que ce que leur réalité leur permet pour le moment, Charuel dresse le portrait touchant d’une jeunesse en quête de sens, dans la lignée des livres de Nicolas Matthieu adaptés au cinéma (Leurs enfants après eux ou Connemara), Météors parle de ceux qui restent et de ceux qui rêvent de fuir. Porté par trois jeunes comédiens remarquables, le film évite les clichés pour livrer une œuvre profonde. Mention spéciale pour Idir Azougli, acteur encore trop rare sur le grand écran, qui bouleverse par sa sensibilité et sa rage contenue. Météors marque longtemps après l’avoir vu. – Alix Daul