Mon homme Godfrey

Gregory La Cava reste le grand oublié de Hollywood alors que, en cinq ans (de 1935 à 1940) et cinq films, il prouva qu’il était l’égal d’un Capra ou d’un Leo McCarey. Une anecdote pour donner un aperçu de la personnalité de ce cinéaste inventif et anar, fâché avec l’autorité des studios, mais très copain avec l’alcool : pendant le tournage d’un de ses films (Primrose Path), il disparut. On le retrouva quatre jours plus tard. Il vendait des hot-dogs ! Rien d’étonnant donc à ce que Mon homme Godfrey soit une exemplaire screwball comedy, aussi dingue qu’acide. La Cava y exploite à fond son thème préféré : le fossé social. La scène d’ouverture ? Une chasse au trésor où des riches doivent rapporter un… clochard ! Godfrey, « homme oublié » (« the forgotten man », expression née de la Grande Dépression) dégoté dans un bidonville, devient ainsi le protégé d’Irene, une fille de millionnaire écervelée. Elle l’impose comme majordome à sa famille, dont les membres rivalisent d’excentricité et d’inconscience. Mais qui est vraiment cet élégant clochard ?
Comme souvent chez La Cava, le gag est déroutant, inachevé ou illogique. Un style merveilleusement personnifié par Carole Lombard, qui, à la différence d’autres actrices de screwball comedies, ­incarne, certes, une hystérique, mais complètement idiote ! En guérisseur pince-sans-rire de la futilité des riches, William Powell a une classe folle. Même le happy end sentimental expéditif apparaît comme une aberration, une énorme blague… ⎥ Guillemette Odicino