NERUDA

NERUDA

NERUDA

Réalisateur(s) : Pablo Larraín
Acteur(s) : Luis Gnecco, Gael García Bernal, Mercedes Morán
Genre(s) : Drame, Biopic
Origine : Chili, Argentine, France, Espagne
Durée : 1h48
Synopsis : 1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès, le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète. Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire.

Malgré son titre lapidaire et quelque peu désinvolte, Neruda n’est pas un biopic à l’américaine, bien au contraire. Navigant entre véracité et imaginaire, Pablo Larraín nous livre un portrait tout à fait surprenant – et même dérangeant – de celui qui fut à la fois poète, écrivain, diplomate et homme politique. Loin de l’image du poète en exil, incarné par Philippe Noiret dans Le Facteur de Michael Radford en 1994, le Neruda de Pablo Larraín apparaît comme un personnage ambigu, à la fois capable de traduire dans les mots la douloureuse condition des travailleurs et de mener une vie bourgeoise et libertine. Le propos du réalisateur est ailleurs : plus que les faits, il interroge la fascination qu’exerce le grand homme sur tout un peuple, à commencer par le flic qui le traque. Célébrant la création artistique, il met en évidence la force des vers du poète, le Poema triste, réclamé partout et scandé à plusieurs reprises, de manière un peu emphatique, ou encore Los Enemigos déclamé sur les chantiers. Dans la première partie du film, heurtée et trépidante, le jeu du chat et de la souris auquel se livrent Neruda et son poursuivant, oppose deux univers, celui d’une gauche chilienne passée dans la clandestinité mais qui ne renonce pas aux fêtes (Neruda est gourmand de tous les plaisirs) et celui terne et sans attrait du policier, tout entier tendu vers sa mission, qui commente en voix off cette étrange partie de cache-cache. Cet affrontement à distance des deux hommes va trouver son aboutissement lorsque la cavale les entraîne au bout du monde, dans les magnifiques étendues neigeuses de la Cordillère des Andes. De foisonnant, le film devient épique comme un roman de García Márquez, magnifié par des paysages époustouflants. Éblouissante aussi est l’interprétation des deux protagonistes, Luis Gnecco, à la ressemblance étonnante, tout de rondeur et de charisme face à un García Bernal inquiétant et pathétique. Et il faudrait une mention particulière pour Mercedes Moran, qui incarne avec élégance et lassitude l’épouse dévouée, acceptant sans mot dire les lubies de son grand homme épris de liberté mais relativement «oppresseur» et égoïste dans sa vie privée. Après Santiago 73, Post Mortem, No et El Club, Pablo Larraín continue d’explorer l’histoire de son pays, maniant tout à la fois l’ironie et l’empathie. Du grand art ! ⎥ M. Hédin

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