Wang Xiaoshuai clôt avec Red Amnesia sa trilogie consacrée au « Troisième front ». Après Shanghai Dreams (prix du jury à Cannes en 2005) et 11 Fleurs (2011), il revient sur les conséquences encore actuelles d’un épisode peu connu de l’histoire de la Chine maoïste. Dans les années 1960, il fut décidé de déplacer de nombreuses usines ainsi que leurs ouvriers et leurs familles dans des régions reculées. Cet exil forcé fut celui du réalisateur alors enfant et de sa famille qui était originaire de Shanghai. Wang, avec un talent d’une sobriété exemplaire qui fait de lui un des maîtres du cinéma chinois indépendant, réussit cette fois encore à inscrire la fragile micro-histoire familiale dans la marche pachydermique de son pays Léviathan. Par touches successives, il nous livre une subtile peinture des changements de comportement d’une génération à l’autre dans la Chine consumériste et individualiste d’aujourd’hui. Deng apostrophe durement sa très vieille mère qu’elle a reléguée à l’hospice, elle réprouve l’homosexualité de son fils cadet et se dispute avec la femme de son aîné ; on est bien loin de l’idéal du roman emblématique « Quatre générations sous un même toit »… En contrepoint de cette chronique un peu fataliste, pèse aussi sur ce film une atmosphère inquiétante où fantasmes, rêves et apparitions font irruption comme pour réveiller une mémoire douloureuse. Car, au cœur de l’intrigue, gît un secret qui livre une clé de lecture essentielle. La culpabilité souffrante des individus est d’autant plus vive que celle des autorités n’est pas assumée. La chute du film, au sens propre, n’en est que plus brutale et plus poignante. ⎥ PATRICK RICHET

RED AMNESIA
Réalisateur(s) : Wang Xiaoshuai
Acteur(s) : Lü Zhong, Feng Yuanzheng, Qin Hao
Genre(s) : Thriller
Origine : Chine
Durée : 1h56
Synopsis : Une veuve retraitée voit sa vie basculer quand elle commence à recevoir de mystérieux appels anonymes.