Comment saboter un pipeline.Sous ses allures abstraites de mode d’emploi, le titre original de ce film indépendant américain ne laisse pas soupçonner la véritable nature de Sabotage : un presque western, nerveux et haletant. Signant ici son second long-métrage, Daniel Goldhaber réalise avec talent le mariage de la carpe et du lapin ; il confronte les idées abstraites de l’essai politisé du chercheur suédois Andreas Malm (un plaidoyer pour l’insurrection climatique dont le film est l’adaptation) au langage du cinéma hollywoodien, narratif et efficace. Usant de tous les codes du film de braquage, le cinéaste – citoyen d’un pays aux modes de vie parmi les moins compatibles avec le souci écologique – insuffle une urgence inquiétante à son film, le démarquant des œuvres états-uniennes antérieures sur le sujet. Ainsi, en 1975, les quatre activistes écologistes du roman culte d’Edward Abbey, Le Gang de la clef à molette, se livraient dans le Grand Canyon à une lutte aussi décomplexée que jouissive à lire et, par moments, c’était aussi très drôle. En 2013, avec Night Moves, la talentueuse Kelly Reichardt livrait ses personnages d’écologistes radicaux en proie au doute quant au bien-fondé de leur action ; le scénario de son film soulevait de vertigineux questionnements. Dix ans plus tard, dans Sabotage, ce sont les parcours de huit personnages hétéroclites qui sont orchestrés à travers un montage énergique et virtuose ; l’heure est à l’action urgente et aguerrie de l’hypocrisie ambiante. Incarnés par des comédiens dont certains ont participé à l’écriture et à la production du film, la diversité des individus en dit long sur l’universalité du problème, depuis la résilience d’une victime directe de la pollution industrielle jusqu’à la colère d’un conservateur privé de ses terres ancestrales par le lobby des énergies fossiles. Filmé avec une pellicule 16mm qui l’inscrit graphiquement dans l’héritage d’un certain cinéma militant des années 60-70, Sabotage est très séduisant et pourrait attirer à lui un public pas forcément acquis à sa cause. Quand le cinéma de divertissement porte un discours politique alternatif qui a le mérite d’inviter à la réflexion. ⎥ Nicolas Milesi

SABOTAGE
Réalisateur(s) : Daniel Goldhaber
Acteur(s) : Ariela Barer, Kristine Frøseth, Lukas Gage
Genre(s) : Thriller
Origine : USA
Durée : 1h44
Synopsis : Face à l’urgence écologique, un groupe de jeunes activistes se fixe une mission périlleuse : saboter un pipeline qui achemine du pétrole dans tous les Etats-Unis. Car parfois, le seul moyen d’être entendu est de passer à l’action.