« Marseille ville sans frontières » chantait Jean Guidoni… De brèves images d’archives ayant trait à l’immigration inaugurent Shéhérazade, ancrant son histoire très contemporaine dans une ville aux mélanges culturels si particuliers – Marseille est un personnage du film à part entière. Lui-même issu de l’immigration, Jean-Bernard Marlin réalise, avec Shéhérazade, un premier long métrage (son court La Fugue fut remarqué en 2013) habité de bout en bout par l’exigence documentaire, même si la fiction et le cinéma de genre finissent par s’immiscer dans le récit. « J’ai besoin d’y croire, j’ai un problème de croyance avec un cinéma trop artificiel » confesse-t-il, optant pour un tournage qualifié de « tendu », in situ, quartier de la Rotonde, avec des comédiens intégralement non-pro- fessionnels parfois extrêmement proches de leurs personnages. Ainsi Dylan Robert, l’acteur principal, qui, au début du film, « rejoue » une sortie de prison qu’il a vécue dans la vraie vie, trois mois auparavant, avec les mêmes surveillants de l’administration pénitentiaire… Le casting « sauvage » a duré huit mois, jusqu’aux portes du tournage, insufflant au film un vérisme sidérant du langage (certaines scènes pourraient être sous-titrées), des gestes, des expressions et des comportements (aucun angélisme possible ici). In fine, c’est dans le décalage entre la jeunesse presque animale des protagonistes et la gravité sociale de leurs actes que surgit beaucoup d’émotion. Avec une finesse inattendue dans la tonalité viscérale du film, c’est le déni de ces actes par les protagonistes que Shéhérazade aiguillonne, sans jamais se départir d’une immense tendresse pour ses deux héros. Un beau geste cinématographique. ⎥ Nicolas Milesi
SHEHERAZADE
Réalisateur(s) : Jean-Bernard Marlin
Acteur(s) : Dylan ROBERT, Kenza FORTAS, Idir AZOUGLI
Genre(s) : Drame
Origine : France
Durée : 1h49
Synopsis : Zachary, 17 ans, sort de prison. Rejeté par sa mère, il traîne dans les quartiers populaires de Marseille. C’est là qu’il rencontre Shéhérazade…