SORRY WE MISSED YOU

Woody Allen, Costa-Gavras, Ken Loach et bientôt Roman Polanski. Décidément les auteurs qui ont marqué le cinéma depuis plus d’un demi-siècle sont toujours là et bien là. Et leur longévité est liée, non seulement à leur talent, mais aussi, en particulier pour Ken Loach, à leur force de conviction et à leur capacité de toujours s’approprier des thèmes d’actualité qui en disent long sur le fonctionnement de notre société et les valeurs qui la sous-tendent. Ken Loach s’attaque ici aux effets dévastateurs de l’ubérisation de l’économie. Il démonte avec la clarté et l’efficacité qui lui sont coutumiers, la manière dont cette révolution se pare de toutes les vertus d’aujourd’hui : indépendance apparente du travailleur qui devient un « petit entrepreneur », modernité des outils utilisés, avec l’efficacité et la rentabilité comme maîtres mots. Le cinéaste britannique montre bien à quel point tout cela n’est qu’un leurre. Techniques de surveillance, système de sanction, urgence permanente (le héros reste dans son camion pour uriner dans une bouteille…), le travailleur ubérisé prend toujours plus de risques financiers et perd ses filets de sécurité. Ken Loach tire la sonnette d’alarme comme il sait le faire : avec humanisme et sobriété. Après ce film, vous ne regarderez plus jamais un livreur de la même façon ! ⎥ François Aymé