Still Alice

Se souvenir des belles choses… et lutter avec dignité, embrasser la maladie, sans complainte, par orgueil ou en résistance à la fatalité. Le film de Richard Glatzer se devait de faire appel à une grande actrice, le fleuron d’Hollywood, pour parvenir à cerner l’intimité d’une femme brillante, linguiste de profession, qui doit apprendre à laisser partir les mots, la mémoire, les sentiments et l’amour pour ses proches. Julianne Moore, récompensée l’an dernier à Cannes pour son rôle dans Maps to The Stars et enfin consacrée par ses pairs lors de la dernière cérémonie des Oscars, signe ici l’une de ses plus belles compositions. Alchimiste des sensations, travailleuse acharnée, dont les mues successives au cinéma témoignent à la fois de sa technicité et de sa souplesse, l’actrice américaine épouse son personnage atteint de la maladie d’Alzheimer et dessine habilement son déclin mental, déployant une palette d’émotions saisissantes. On y décèle l’aisance de la comédienne, la vraie colonne vertébrale de ce long-métrage qui aurait certainement pu se hisser beaucoup plus haut si le peintre en charge du tableau ne cachait autant son émoi. Peut-être de peur de tomber dans les poncifs mélodramatiques, le réalisateur adopte une distance parfois trop manifeste, notamment lorsqu’on entre dans la confidence, là où sa comédienne est au firmament… Un éloignement qui s’avère beaucoup plus légitime lors des scènes de famille, nous épargnant un pathos facile. Pourtant ce motif de l’écart, de la mise à distance est à approfondir, le réalisateur ayant dirigé ses comédiens et son film par le biais d’un iPad, lui-même étant incapable de parler, alors atteint de la maladie de Charcot. Richard Glatzer signe ici son ultime et bel ouvrage, il est décédé le 10 mars dernier.
Kevin Dutot