Tardes de soledad

N’allez pas chercher dans ce film une contribution au débat sur la corrida. Le cinéma cérébral et très formel d’Albert Serra prétend se situer en dehors de celui-ci, bien qu’empruntant pour la première fois la voie documentaire. Marquée au fer rouge de son empreinte si caractéristique, cette nouvelle œuvre du cinéaste espagnol mêle ici encore le sublime et le grotesque, la sophistication et le dénuement, pour sonder l’âme d’un nouvel homme esseulé par le pouvoir : celle d’un torero en pleine gloire. Plaçant sa caméra de manière à capter sans cesse son regard – que ce soit dans l’arène ou dans le van le conduisant, lui et son équipe – Serra s’y (et nous y) plonge pour explorer, en effet, le mystère d’une croyance infinie dans la tauromachie. Quel idéal se cache derrière ce désir profond, sacrificiel, de confrontation ? En s’appuyant sur l’étirement et la répétition des scènes et en côtoyant l’insoutenable, Serra saisi en tout cas l’inversion des rôles qui s’opère dans cette pratique (animalité humaine VS humanité animale), le caractère auto-destructeur et comique de ceux qui s’y livrent, pour illustrer avec brio l’orgueil démesuré et irraisonnable de l’homme face à la nature. – Noémie Bourdiol
Certaines scènes sanglantes de corrida filmées en plans rapprochés qui en intensifient la perception sont susceptibles de troubler un public non averti.