Premier long-métrage du cinéaste iranien Ali Soozandeh, Téhéran Tabou est aussi le premier film d’animation sélectionné à La Semaine de la critique cannoise. Mais ne vous fiez pas à cette forme trop souvent jugée enfantine : Téhéran Tabou est d’une violence saisissante. Le film dénonce frontalement les travers de l’Iran d’aujourd’hui, les restrictions de libertés comme l’hypocrisie d’une société qui, en contournant les interdits, banalise les doubles standards de valeurs pouvant conduire à des situations absurdes. Dans un monde insidieusement gangrené par la corruption, la drogue et les dérives liées aux tabous sexuels, une intrigue chorale suit plusieurs personnages tentant de s’adapter à l’oppression quotidienne. Une oppression que l’on découvre autant dictée par la loi et la règle islamique que par les mentalités et le sens de l’hon- neur propres à la société iranienne. Mais la grande singularité de Téhéran Tabou reste le traitement en rotoscopie, esthétique déjà vue dans Valse avec Bachir et qui consiste à filmer sur fond vert les acteurs redessinés ensuite. Cette technique d’animation, qui aura nécessité 13 mois et 40 artistes, crée un décalage poignant avec la crudité et les atrocités du réel exposés par le récit. Comme si le recours à une forme artificielle pouvait seul mettre en évidence les aberrations d’une société aux prises avec une schizophrénie structurelle, entre soif de modernité et frilosité traditionnaliste. ⎥ AUDREY PAILHÈS

TÉHÉRAN TABOU
Réalisateur(s) : Ali Soozandeh
Acteur(s) : Elmira Rafizadeh, Zahra Amir Ebrahimi, Arash Marandi, Bilal Yasar, Negar Nasseri
Genre(s) : Animation
Origine : Allemagne
Durée : 1h36
Synopsis : Téhéran : une société schizophrène dans laquelle le sexe, la corruption, la prostitution et la drogue coexistent avec les interdits religieux. Dans cette métropole grouillante, trois femmes de caractère et un jeune musicien tentent de s’émanciper en brisant les tabous.