Sixième long-métrage du roi de la comédie américaine Judd Apatow, The King of Staten Island semble trancher avec la vitalité et l’humour frontal de ses précédentes réalisations, et ouvrir une voie beaucoup plus mélancolique qui le rapproche des productions indépendantes new-yorkaises d’un Noah Baumbach ou d’une Greta Gerwig – le personnage principal pourrait aussi être un jeune Adam Sandler échappé de chez Paul Thomas Anderson ou les frères Safdie. Mais on voit aussi ce qui a pu séduire Apatow dont on connaît le goût pour les personnages déphasés et un humour du verbe et du décalage. Situé dans le quartier de Staten Island rarement investi par les cinéastes (et sujet de formidables dialogues sur le développement urbain et symbolique des quartiers new-yorkais), ce tableau doux-amer et semi-autobiographique est largement inspiré de la jeunesse du comédien principal Pete Davidson, humoriste vedette du Saturday Night Live, qui co-signe le scénario et dont l’incarnation donne corps à l’assurance et aux fragilités de son personnage. Jeune loser paumé en quête de repères et de perspectives, Scott se débat entre un passé traumatique et un avenir sans horizon, et trouve un exutoire et un but dans l’art du tatouage – double symbole des écorchures de la vie marquant la chair et d’une volonté tenace d’écrire la suite de son récit personnel. Émaillé d’éclats de comédie cocasse et d’humour désespéré, le film manie habilement le pathétique sans risquer le pathos, grâce à la distance de l’autodérision logée dans l’écriture et l’interprétation (rehaussée par la contribution des formidables Marisa Tomei ou Steve Buscemi). Par la mise en abîme du corps du personnage abrité dans celui de l’acteur, The King of Staten Island met doublement en scène le courage de faire face à ses propres failles, façon d’approcher une vérité que seule la comédie peut parfois faire émerger. ⎥ Audrey Pailhès

THE KING OF STATEN ISLAND
Réalisateur(s) : Judd Apatow
Acteur(s) : Pete Davidson, Bel Powley, Ricky Velez
Genre(s) : Comédie
Origine : USA
Durée : 1h40
Synopsis : Il semblerait que le développement de Scott ait largement été freiné depuis le décès de son père pompier, quand il avait 7 ans. Il en a aujourd’hui 24 et entretient le rêve peu réaliste d’ouvrir un restaurant/salon de tatouage. Alors que sa jeune soeur Claire, raisonnable et bonne élève, part étudier à l’université, Scott vit toujours au crochet de sa mère infirmière, Margie, et passe le plus clair de son temps à fumer de l’herbe, à traîner avec ses potes Oscar, Igor et Richie et à sortir en cachette avec son amie d’enfance Kelsey. Mais quand sa mère commence à fréquenter Ray, un pompier volubile, Scott va voir sa vie chamboulée et ses angoisses exacerbées. L’adolescent attardé qu’il est resté va enfin devoir faire face à ses responsabilités et au deuil de son père.