Premier film de la jeune réalisatrice Manele Labidi, Un divan à Tunis est une comédie chaleureuse au cœur de la société tunisienne. À suivre l’installation d’un cabinet sur le toit d’un immeuble, on pense vite aux premiers films de la Libanaise Nadine Labaki (Caramel). À travers un lieu, on dresse le portrait des différents fragments d’une ville et de ses habitants (ici, le cabinet de psy remplace le salon de coiffure). Un chaos urbain tourbillonne autour d’un personnage féminin magnifique (ici, Golshifteh Farahani). Figure forte et centrale qui, à Beyrouth chez Labaki ou à Tunis chez Labidi, doit faire face à des représentants de la police assez entreprenants …
Si la psychanalyse est au cœur de cette comédie tunisienne, à aucun moment la réalisatrice ne se moque des patients qui viennent s’allonger sur le divan de Selma, parisienne revenue au pays. Elle profite de ces confessions pour ausculter le pays du jasmin, et sonder les maux de ses habitants quelques années après la Révolution. Bien que cette psychanalyste nouvellement installée dans le quartier fasse jaser et que son indépendance en dérange certains, les patients affluent. Les langues se délient progressivement, et en donnant vie à ce curieux cabinet, Manele Labidi filme la parole libérée d’un peuple longtemps empêché de s’exprimer librement par la dictature. Les blocages sont encore nombreux, et Selma devra affronter barrières sociales, religieuses et administratives. Mais celles-ci se transforment au fur et à mesure du film en ressorts comiques délicieux. Face à l’écoute attentive d’une Golshifteh Farahani impériale, les patients défilent comme autant de saynètes tendres et comiques. De cocasseries en moments de solitude, l’actrice magnétique avance à contre-courant, emportant l’adhésion des spectateurs sur son passage. Nous la suivrions pour n’importe quelle révolution, politique ou psychanalytique. ⎥ Victor Courgeon

UN DIVAN À TUNIS
Réalisateur(s) : Manele Labidi
Acteur(s) : Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, Hichem Yacoubi
Genre(s) : Drame
Origine : Tunisie
Durée : 1h28
Synopsis : Selma Derwish, 35 ans qui, après avoir exercé en France, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Les débuts sont épiques, entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séance tarifée avec "prestations tarifées". Mais au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays schizophrène. Alors que Selma commence à trouver ses marques, elle découvre qu'il lui manque une autorisation de pratique indispensable pour continuer d'exercer…