Vingt dieux

C’est le film qui, au dernier Festival de Cannes, était sur toutes les lèvres. Oui, oui : il y avait Megalopolis, Emilia Perez… et Vingt dieux. Mais comment ce premier film d’une jeune jurassienne a-t-il bien pu se faufiler sur la Croisette pour se retrouver aux côtés des monstres sacrés du cinéma mondial ? La présence du divin dans le titre du métrage aurait-il à voir avec ce petit miracle ? Peut-être. Mais la chance de Vingt dieux provient aussi de ce qui ne relève d’aucune maîtrise, d’aucun calcul ou artifice : la sincérité et l’authenticité. Quand Louise Courvoisier s’attaque à l’écriture de son long-métrage, elle s’adosse à ce qu’elle connaît : le territoire qui l’a vue grandir – la campagne franc-comtoise, le vécu et les préoccupations de celles et ceux qui le peuplent, et la tradition locale qui fait vivre ce terroir : le Comté ! En résulte un film plein de fraîcheur et de caractère, conçu en famille et porté par un casting 100 % amateur constitué d’habitants du coin à l’accent bien prononcé, pour faire le portrait positif et nuancé d’une jeunesse rurale qui part dans l’existence avec moins de chance que d’autres. Totone, notre héros, tout juste majeur et propulsé brutalement dans la vie adulte, ne voit en effet d’autre issue pour s’en sortir que de s’aventurer dans la fabrication de comté. Accompagné de sa bande de pieds nickelés bien portée sur la bouteille, il découvre alors le sens du savoir-faire, la beauté et les déconvenues du travail artisanal en même temps qu’il s’initie au plaisir charnel avec une jeune éleveuse. Le temps d’affinage du Comté devient celui de l’initiation de Totone. Un récit d’apprentissage qui convoque le rituel païen – avec pour totem un chaudron, le Western – courses, bagarres et format Scope à l’appui, et qui respire la tendresse et l’herbe fraîche pour rendre hommage à un monde rural où subsistent, malgré les difficultés, beaucoup d’ardeur et d’amour. – Noémie Bourdiol